Vous qui écrivez, vous le savez, vous qui n’écrivez pas mais aimez la littérature, vous vous en doutez, de grands moments de doute face à son travail, de grands moments de manque d’inspiration sont le lot de tout écrivain, qu’on soit amateurs comme moi, ou qu’on soit professionnels. Ces moments sont plus ou moins longs et aboutissent à des phases d’écriture peu satisfaisantes et besogneuses durant lesquelles il n’est pas facile de trouver l’inspiration, ou même des phases d’absence complète de production.
Comme je suis dans une phase comme celle-là, où j’estime n’avoir rien produit de qualité depuis un bon mois, j’ai décidé de vous partager mon approche pour réussir à passer ces phases difficiles, l’objectif n’étant pas pour moi de trouver l’inspiration en sortant de ces phases mais simplement d’apprendre à les gérer.
Accepter la situation
La première chose à faire est l’acceptation absolue de cette situation. De la même façon que physiquement, le sportif n’est pas toujours au top de la forme et qu’il passe dans sa vie, par des phases de récupération, dont on dit qu’elles sont aussi importantes que les phases de travail intensive, trouver l’inspiration dans l’écriture n’est pas évident et l’écriture peut même être assez pauvre durant des temps qu’on trouve toujours trop longs. Si on n’y prête pas attention, elle peut se retrouver dans une situation de blocage aboutissant à un abandon de la pratique ou à un rejet de la pratique.
Que veut dire accepter ? C’est accepter que trouver l’inspiration n’est pas un processus qui fonctionne. L’inspiration s’est envolée mais il n’y a pas de raison de s’inquiéter, car celle-ci va revenir. Si elle a été là, c’est qu’au fond de son âme, il y a un lit pour l’accueillir et qu’il faut lui laisser la place qu’elle mérite. Elle s’est peut-être envolée pour revenir enrichie d’autres aventures. La phase de manque d’inspiration est donc la phase où il ne faut pas s’acharner à se montrer qu’on n’a perdu l’inspiration, car c’est entrer dans une spirale auto-réalisatrice.
Néanmoins, il ne s’agit pas d’arrêter d’écrire, il s’agit d’écrire sans enjeu, sans objectif, pour maintenir une hygiène de vie d’écrivain. C’est d’ailleurs, peut-être l’opportunité de se construire une hygiène d’écriture si ce n’est pas une démarche qu’on a déjà engagée. Évidemment, on peut arrêter d’écrire, mais il faut savoir que si on entretient pas une relation régulière avec l’écriture, il sera toujours difficile d’y revenir, de lui refaire la place dans sa vie et il faudra à nouveau oser écrire, oser prendre le temps, oser écouter son envie de mots et d’histoires. Si on a perdu l’habitude, il devient souvent incongru de s’y remettre dans les vies très utilitaires que nous avons. Inspirés ou non, si on souhaite être écrivain, il est bon d’écrire.
Avoir une hygiène d’écriture
Je ne suis pas le seul à le dire, mais je vous conseille d’élaborer des stratégies afin d’écrire tous les jours, c’est-à-dire de faire de l’écriture une discipline pour laquelle vous vous entraînez régulièrement et qui va vous permettre de garder un lien avec votre technique, vos aspirations littéraires et ceci même, voire surtout, si vous faites face à une baisse d’inspiration et de motivation, son corollaire.
Évidemment, nous n’avons pas tous les mêmes contraintes personnelles et professionnelles, ce qui rend plus ou moins difficile une écriture quotidienne. De mon côté, l’écriture ne peut pas avoir une grande place en temps et j’ai remarqué que cela accentuait fortement les phases de manque d’inspiration et si je ne suis pas vigilant, l’absence d’écriture complète peut très vite arriver. Le manque de temps n’est pas forcément une excuse (il n’y pas de culpabilité à avoir), mais occasionne facilement un manque de disponibilité pour la discipline et le relâchement se produit fatalement. Les conséquences ne sont absolument pas graves, car sachez-le, personne ne vous regarde, personne ne vous attend. Vous allez juste perdre l’occasion de vibrer à lire les histoires que vous aurez aimé écrire. Vous perdrez aussi peut-être le fil avec des sentiments que vous pourriez avoir la chance d’explorer.
Ma routine d’écriture
Avant de vous la partager, je dois préciser qu’elle est mienne et qu’elle m’est destinée. Elle est adaptée à mon emploi du temps, il ne s’agit là donc que d’un exemple dont vous pourrez peut-être vous inspirer, j’en serais très heureux, mais il faut bien faire attention à ne pas se donner des objectifs qui seraient trop ambitieux et vous amèneraient à, en plus d’une phase d’inspiration plus faible, à une remise en question personnelle, une auto-dévalorisation inutile.
Mon objectif est d’écrire quotidiennement environ mille caractères. Vous allez peut-être penser, à rason, que c’est très peu. Néanmoins, mon activité professionnelle, absolument pas en rapport avec la littérature, est très prenante en temps et en énergie, ce qui ne me permet pas de pouvoir y consacrer de longs moments. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’écris des nouvelles, activité demandant moins de temps que l’écriture de romans, même si, dans les phases plus créatives, je vais prendre plus de temps pour produire mes nouvelles et mes poèmes.
Voici donc ma routine d’écriture actuelle. Elle se base sur un cycle hebdomadaire qui pour des raisons d’organisation personnelle démarre le mardi.
- Mardi : « Raconter un souvenir d’enfance » (1000 caractères)
Les souvenirs d’enfance sont un savant mélange d’émotions, l’émotion de l’instant passée au filtre du temps et des tumultes de la vie et, parfois, de la nostalgie, même si, dans mon cas, je ne ressens pas beaucoup de nostalgie. Ces émotions sont une matière riche pour construire des situations similaires dans le cadre d’histoire. Par ailleurs, cela permet de cultiver l’accès à celles-ci et de les entretenir. C’est important, quand on écrit, de toujours laisser un accès à son émotion et l’activité professionnelle a parfois tendance à les écraser, à les cacher, les enfouir.
- Mercredi : « Écrire un poème sur la nature ou sur la ville » (200 caractères)
L’idée est donc d’écrire un poème sur l’univers qui nous entoure pour être connecté à celui-ci. Comme dans l’exercice précédent, il s’agit surtout de rester connecté, de garder le lien avec notre environnement. Il est très probable que vous n’allez pas avoir la disponibilité d’écrire en contemplant la nature ou la ville qui vous entoure et il faudra emmagasiner les images et faire appel à vos souvenirs. A la différence de l’exercice précédent, il s’agit de souvenirs récents. Et comme pour l’exercice suivant, il faut être en mesure de réaliser un travail d’observation, de contact proche avec l’environnement, il s’agit de relever la tête pour regarder le monde et d’enlever ses écouteurs pour entendre ce que la nature ou la ville ont à nous dire. À l’approche du printemps, ce moment où la vie sort de son trou, c’est un exercice particulièrement amusant, qui vous permet de retrouver un regard d’enfant sur la vie. Quel plaisir de découvrir les bourgeons sur les arbres et de suivre, sur le chemin de son travail, l’évolution de ceux-ci ! Quel plaisir de sentir l’air plus ou moins frais glisser sur son visage à vélo !
- Jeudi : Raconter une scène de rue (1000 caractères)
L’objectif, là, n’est pas directement d’être en contact avec ses émotions, mais plus de travailler son regard d’observateur, de photographe, ce qui, pour mon travail réaliste, est important. Je suis donc dans la ville en position d’observation, de prédateur de situations, plus ou moins banales qui vont pouvoir nourrir cette séquence. Cela peut créer de la matière pour une future nouvelle, cela peut aussi en être le début, nous ne sommes jamais à l’abri d’une bonne surprise. La ville regorge de scènes plus ou moins improbables qui vous donneront, si vous y prêtez l’attention nécessaire, la matière à votre travail.
- Vendredi : Écrire un poème sur des sentiments (200 caractères)
Là, très clairement, il s’agit de poser sur papier un ou plusieurs sentiments pour quelqu’un, existant ou non, sentiments louables, ou non et de laisser l’inspiration faire, sans objectif de produire quelque chose de valeur. C’est assez proche de l’exercice d’écriture automatique, une fois qu’on a trouvé les sentiments qui seront exprimés. Évidemment, en phase de manque d’inspiration, cet exercice peut paraître un peu délicat, mais il faut espérer que les jours précédents ont donné accès aux émotions et qu’on a déjà pu trouver quelque chose qui pourrait être un début d’écriture.
- Samedi : Raconter un désir à la place de quelqu’un (1000 caractères) ou une scène fantastique
C’est une scène courte de désir, d’aspiration qu’il s’agit de raconter, avec les joies ou les frustrations souvent associées. J’adore, par exemple, écrire le désir contrarié qui permet de faire cohabiter des contradictions intérieures très fortes en quelques lignes. Là, on est dans l’instant, car le désir ne s’exprime pas dans le temps, il jaillit, il porte, il s’exprime, il est réprimé, il est assouvi et déjà, il s’éteint. En quelques lignes, il peut y avoir de la puissance qui s’exprime. Selon moi, c’est un excellent exercice si on s’attache aux désirs du quotidien, ceux qu’on oublie le soir, mais qui ont animé la journée, ceux qui l’ont faites avancer ou qui l’ont rendue agaçante.
Je laisse ici la possibilité de sortir des sentiers battus et tenter l’innovation. Si vous me connaissez, vous savez que je suis attaché à une écriture très réaliste. Néanmoins, j’ai parfois envie d’innover et d’aller, pour jouer, vers le fantastique. Notez, qu’à titre personnel, je suis assez réfractaire, à la fois en tant que lecteur et en tant qu’écrivain, à la science-fiction et très réfractaire au fantasy (je le confesse ici, « Le seigneur des anneaux » est pour moi d’un ennui mortel), je suis plutôt ancré dans mon univers et j’y suis très attaché, car il me semble déjà source de tant d’émotions et de tant de magie. L’univers fantastique est une porte que je laisse ouverte, ce qui m’a donné l’occasion d’écrire la nouvelle « Je vous raconte ma mort.« , qui contient une pointe de fantastique.
- Dimanche : Définir un personnage (1000 caractères)
Là, encore, il faut se baser sur son travail d’observation et choisir une personne croisée récemment et imaginer qui elle est, lui donner une vie, lui donner un environnement familiale, lui donner des frustrations, des désirs, des réussites, des échecs qui font d’elle la personne que vous avez croisée. D’où vient-elle et où va-t-elle ? C’est très court mille caractères et rien n’interdit de développer, surtout si le personnage vous plait. Il peut vous accompagner un peu plus et avec un peu de chance, ce sera un nouveau personnage.
- Lundi : Raconter une mini-histoire (3000 caractères)
Le lundi, avec ses 3000 caractères, c’est la séance longue de l’entraînement. Les coureurs à pied verront des analogies entre l’entraînement de l’écrivain et celui du coureur à pied. Même si les disciplines sont différentes, je les aborde personnellement de façon proche. D’ailleurs, je ne peux que vous conseillez l’écoute du podcast « Dans la tête d’un coureur » avec Cécile Coulon, auteure que j’aime beaucoup et pour qui la course à pied a une place essentielle dans son travail d’écrivain. Notez que cette similitude est récente et je n’abordais pas l’écriture de la même façon, je travaillais juste quand l’inspiration jaillissait, juste quand elle m’offrait quelques mots. Cela m’a permis d’écrire des textes que j’aime beaucoup, mais assez peu nombreux. J’ai voulu mieux construire ce rapport à l’écriture et accepter l’idée de ne pas toujours être en forme et de laisser la place à cette méforme de s’exprimer, tout de même.
L’exercice du lundi est un peu l’apogée de la semaine de travail. Il vous permet de faire une synthèse de ce que vous avez observé autour de vous et en vous. Il suffit de planter le décor, avec l’environnement, le personnage, le désir et inventer une chute, qui va donner du relief à cette micro-nouvelle.
Tout le fruit de ce travail hebdomadaire peut avoir une certaine valeur ou peut très bien ne pas vous plaire. Ce n’est pas grave, vous êtes libres d’en faire ce que vous voulez, le jeter, l’effacer, le garder pour le relire plus tard. Il n’y a pas de règle à cela, cela doit être conforme à ce que vous êtes. Cela peut être souvent rassurant de le garder pour pouvoir s’y replonger lors d’une prochaine phase de manque d’inspiration.
J’espère que cet article vous aura donné un aperçu du travail d’écriture, qu’il vous aura, peut-être, donné envie d’écrire, ou simplement rassuré sur un travail déjà engagé. N’hésitez pas à me contacter si vous avez envie d’en savoir plus ou simplement d’échanger avec moi sur ces sujets.
Bonjour Stéphane,
Merci pour ce partage de votre intimité, de votre méthodologie très structurée et structurante 😊
Ce rythme semble être le cadre propice à votre inspiration…
C’est très intéressant d’apercevoir l’envers du décor et comprendre le mécanisme de création… En écriture. .. Ou autre activité artistique d’ailleurs…
Moi ça me donne envie d’écrire…🤗
Belle journée à vous 😎
Je ne peux qu’être heureux de votre retour ! Tant mieux si cela vous donne l’envie d’écrire ! Bonne journée.
Quelle belle et noble démarche de te dévoiler
Très fluide et concis mais d’une grande densité.C’est ciselé,net,précis.Belle organisation de vie.Ça donne envie d’écrire,peut-être d’abord sur soi,pour une thérapie et ne plus gaspiller son temps.Et se sentir plus léger,se re concentrer sur l’essentiel.Merci Stéphane
En te souhaitant des sources d’inspiration
Merci Brigitte ! J’aime que cet article donne envie d’écrire.